Énergies et transitions
ÉNERGIES ET TRANSITIONS

PPE : Contribution d’Ufip Energies et Mobilités à la consultation publique sur le projet de Programmation Pluriannuelle de l’Energie 2024-2035

décembre 2023

Dans le cadre de la consultation publique sur le projet de Programmation Pluriannuelle de l’Energie 2024-2035 (PPE3), voici les observations et propositions d’Ufip Energies et Mobilités (Ufip EM).

En préambule, nous souhaitons rappeler qu’Ufip EM et ses membres soutiennent l’ambition climatique portée par les accords d Paris de la COP 21 en 2015, l'Union Européenne avec le paquet « Fit for 55 » et par la France dans le cadre de sa nouvelle stratégie Énergie et Climat. Ils sont déterminés à prendre une part active dans le développement et la mise en œuvre de solutions compétitives pour décarboner leurs activités, les procédés industriels et les produits du raffinage, dont les énergies liquides pour les mobilités.

Pour atteindre les objectifs climatiques très ambitieux qui ont été fixés et dans le cadre des transitions qui en découlent, il convient de ne pas opposer les différentes sources d’énergie les unes aux autres, chaque énergie ayant un rôle à jouer dans ces transitions. A cette fin, il est primordial de respecter le principe de neutralité technologique et permettre à chaque solution de démontrer son efficacité, en assurant à chacune les conditions de son modèle économique.

Pour Ufip EM, dans le cadre de la PPE3, trois axes de décarbonation sont ainsi à encourager : le déploiement des carburants liquides bas carbone (CLBC), la mise en œuvre d’hydrogène bas-carbone et le Captage de Carbone et son Utilisation ou Stockage (CCUS). Il faut également que la PPE3 apporte à toutes les parties prenantes concernées une visibilité sur les nécessaires adaptations des infrastructures logistiques pétrolières tout en assurant le maintien de la sécurité des approvisionnements du pays en énergies. Enfin, concernant la réduction des consommations d’énergie, des propositions sont portées sur le dispositif des Certificats d’Economie d’Energie (CEE).  

Accroître la production d’énergie décarbonée : le rôle des carburants liquides bas-carbone (CLBC) et la ressource en biomasse 

Les produits énergétiques liquides resteront incontournables pour des usages pour lesquels ils sont difficilement substituables : l’aviation, le maritime, la mobilité lourde et les engins non routiers. Des usages non énergétiques, tels les bases pétrochimiques, les lubrifiants, les bitumes… continueront d’être demandés. A ce titre, la prise en compte dans le projet de PPE3 de tous ces usages, est un point majeur que nous soutenons.

L’évolution envisagée des besoins en carburants liquides bas carbone, incluant les biocarburants durables, depuis les biocarburants de première génération (1G*), les biocarburants « avancés » * jusqu’aux carburants de synthèse* est également intégrée, ce qui est un autre point important.

Ainsi un accès à la ressource en biomasse doit être assuré pour atteindre les objectifs fixés par les règlements européens RED3* Transports, Refuel Aviation et Refuel Maritime à l’horizon 2030-2035.

Il convient de faire apparaitre la contribution des produits énergétiques liquides bas carbone dans les objectifs chiffrés du scénario central de la PPE3.

La mise en place d’un soutien et d’un cadre clair pour les différentes filières de carburants liquides bas carbone, pourrait permettre d’envisager une production française supérieure à 50 TWh (équivalent à 4 Mt par an) à l’horizon 2030-2035.

Le projet de PPE3 envisage des mécanismes incitatifs reposant :

  • sur une TIRUERT* fixant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, exprimés sous la forme d’un contenu carbone par MWh d’énergie utilisée dans le secteur des transports
  • et sur un objectif d’utilisation d’énergie renouvelable par type de carburant, s’inscrivant dans le cadre de la déclinaison des objectifs de la RED3.

Ces mécanismes répondent en partie à ce besoin de cadre et de soutien. Ils doivent également rester stables et offrir ainsi aux entreprises une visibilité suffisante pour encourager les décisions d’investissements dans des unités de production de ces carburants liquides bas carbone.

La sortie du dispositif TIRUERT des lois de finances annuelles pourrait apporter la visibilité recherchée. Il faudra à ce titre assurer la cohérence des nouvelles dispositions créant la taxe incitative relative à la réduction d’intensité des gaz à effet de serre (GES) avec l’évolution de la TIRUERT.

L’accompagnement pour l’installation d’implantations industrielles de production de biocarburants avancés est également un point essentiel, qui doit être concrétisé rapidement.

Nous approuvons aussi le fait de considérer l’utilisation de biométhane (bioGNV).

Accroître la production d’énergie décarbonée : le rôle de l’hydrogène

Concernant l’hydrogène bas carbone, seule la solution de production d’hydrogène électrolytique semble être considérée dans le projet de document, avec des objectifs de production à l’horizon 2030 et 2035 de 6.5 GW et 10 GW respectivement.

Tant sur le plan de la ressource électrique bas carbone et de son acheminement, que sur la construction des électrolyseurs dans les délais impartis, ces objectifs sont très ambitieux.

Aussi, en complément de l'électrolyse, d'autres technologies de production d'hydrogène bas carbone doivent être considérées, telles que :

  • la production à partir de biogaz ou gaz récupérés,
  • le captage de CO2 sur les unités existantes de vaporéformage et ce, de manière transitoire, afin d'accélérer la décarbonation des plateformes industrielles, tout en assurant la disponibilité des quantités d’hydrogène nécessaire à leur fonctionnement. Nous recommandons d’encourager de la sorte et de soutenir la décarbonation des unités existantes.

Le projet de PPE3 n’indique pas de données quantifiées sur la répartition entre les différents usages de l’hydrogène : mobilité, secteur énergie et secteur industrie (par exemple la chimie). Ce point gagnerait à être précisé.

La création de hubs de stockage d’hydrogène, permettant de réduire la consommation des électrolyseurs en cas de pointe de consommation électrique, tout en maintenant un approvisionnement en continu en hydrogène des clients industriels, est une solution que nous soutenons.

Atteindre les objectifs de décarbonation : le rôle du CCUS

Le déploiement des solutions de captage, stockage et utilisation du CO2 (CCUS) est peu développé dans le projet de PPE3, alors qu’il fait l’objet d’une stratégie nationale et qu’il constitue une solution complémentaire indispensable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Afin d’accélérer la décarbonation de la production d'énergie, tout en assurant la sécurité d'approvisionnement et la souveraineté énergétique, il faut considérer la technologie de CCUS, non pas en dernier recours pour les seules émissions qui ne peuvent être évitées en l’état actuel des connaissances, mais au plus tôt, pour permettre une décarbonation plus rapide de l’industrie lourde ainsi que de la production d’énergie.

L’intérêt de cette solution est renforcé lorsqu’elle est mise en œuvre dans le cadre de hubs industriels, en permettant une mutualisation des infrastructures de transport et de stockage, et des investissement associés, et en améliorant la pertinence économique de tels projets.

La mise en œuvre de telles solutions doit rester complémentaire aux autres solutions de décarbonation, par exemple la réduction des émissions à la source par l’amélioration de l’efficacité énergétique, ou par la valorisation de la chaleur fatale, ou par l’électrification, ou encore la décarbonation des procédés industriels.

A cette fin, nous recommandons d’encourager et de soutenir le déploiement des projets de CCUS.

Adapter les réseaux et garantir notre sécurité d’approvisionnement : la logistique carburants et la sécurité d’approvisionnement en carburants

Il serait souhaitable que la PPE3 prévoie la réalisation d’une étude approfondie sur l’adaptation des infrastructures pétrolières. Ufip EM est partie prenante de deux initiatives dans ce domaine :

  • Une étude prospective sur les stocks stratégiques qui sera finalisée au premier trimestre 2024, à l’initiative du CPSSP et de la DGEC. Ufip EM contribue à ces travaux.
  • Des études prospectives sur la logistique des carburants (transports, dépôts et stations-services) seront menées conjointement par plusieurs fédérations professionnelles, dont Ufip EM, l’USI, la FFPI en coopération avec la DGEC. Ces études devront tenir compte des adaptations déjà prévues par la profession dans le cadre de la transition énergétique. Le cahier des charges et les participants à ces études restent à préciser.

Les résultats de ces différentes études seront de nature à répondre aux besoins de données nécessaires pour confirmer les orientations de la PPE3.

Cette adaptation de la logistique pétrolière devra considérer le développement des carburants liquides bas carbone, leurs stockages et leurs flux. La décision d’intégration des composants ou carburants bas carbone dans les stocks stratégiques nous parait prématurée, car méritant une analyse spécifique évaluant les impacts à chaque étape de la chaine logistique – de la production à l’utilisation de ces carburants.

Le rôle des raffineries (plateformes industrielles) dans la lutte contre le changement climatique et la pérennité de la sécurité d’approvisionnement est souligné dans le projet de PPE3. Nous confirmons que ce rôle de nos plateformes industrielles sera fondamental dans la transition énergétique.

Toutes les solutions devront être considérées et être articulées pour atteindre ces objectifs multiples qui consistent à la fois :

  • à augmenter la production de produits liquides bas carbone,
  • à accompagner la réduction de la demande en produits fossiles,
  • tout en assurant la sécurité d’approvisionnement,
  • et en réalisant la décarbonation des plateformes industrielles.

Rappelons également que les plateformes industrielles sont intégrées dans leur environnement économique et social local et contribuent à son dynamisme, d’une part, et fabriquent des matières premières essentielles pour la pétrochimie, des lubrifiants et des bitumes, d’autre part.

Afin d’aider la transformation progressive des raffineries en plateformes industrielles multi-énergies, tout en préservant leur compétitivité face à la concurrence internationale et aux risques de « fuites de carbone », des soutiens financiers publics et une visibilité législative et réglementaire sont indispensables pour permettre les investissements contribuant aux trois axes de la décarbonation des activités et des produits. Une attention particulière devra être accordée à la mise en place des dispositifs nécessaires pour assurer, dans la durée, la compétitivité des plateformes industrielles. Ainsi les productions nationales de produits liquides bas carbone pourront augmenter, renforçant par là même la souveraineté énergétique de la France.

Baisser nos consommations énergétiques : focus sur les Certificats d’Economie d’Energie (CEE)

Le dispositif CEE, mobilisé depuis 2006, est un des instruments qui permettront d’atteindre les objectifs de réduction de consommation d’énergie de la France à horizon 2030.

Le renforcement de l’ambition de réduction de consommation d’énergie repose sur la poursuite des efforts de sobriété énergétique, mais aussi sur la rehausse du niveau d’obligation des CEE pour la 6ème période (2026 – 2030)

En répondant à la concertation sur le projet de 6ème période des CEE, Ufip EM a présenté les paramètres indispensables à un fonctionnement efficace et efficient du dispositif CEE :

  • Fournir aux acteurs une visibilité et leur permettre d'inscrire leurs actions dans la durée. Cette visibilité est nécessaire afin de gagner en confiance, stabilité et robustesse. Notamment en fixant un niveau d’obligation en cohérence avec la Directive européenne sur l’Efficacité Energétique, qui fixe des objectifs année après année.
  • Le niveau d’ambition doit être cohérent avec la réalité des gisements d’économies d’énergie identifiés. Ainsi Ufip EM se prononcera sur le niveau d’obligation de la 6ème période après prise en compte des résultats des évaluations actuellement engagées, notamment par l’ADEME, de l’accès à ces gisements et de la capacité des filières à les mettre en œuvre techniquement et économiquement. En considérant que toute hausse des obligations déconnectée de cette réalité aura un impact à la hausse sur les prix des énergies.
  • Ces études devront en particulier identifier les gisements dans le domaine des transports, qui n’ont représenté que 2.5% des CEE délivrés depuis le début de la 5ème période des CEE. L’obligation pesant sur les distributeurs de carburants représentant la moitié de l’obligation nationale toutes énergies confondues, un élan est nécessaire afin d’ouvrir et d’exploiter de nouveaux gisements dans les transports.
  • L’obligation de moyens doit être conservée ; notamment pour les énergies des transports, car un fournisseur d’énergie obligé n’a pas de moyen de comptage de l’énergie effectivement consommée par le client.
  • Afin de permettre le bon fonctionnement du marché, le seuil d’exonération d’obligations doit être supprimé, car il crée une distorsion de concurrence entre distributeurs obligés. Cette situation a en effet conduit certains fournisseurs d’énergie obligés à partitionner leurs activités entre plusieurs entités juridiques afin que chacune d’entre elles bénéficie du seuil d’obligations, afin de bénéficier plusieurs fois du seuil d’exonération d’obligations.
  • Il y a aujourd’hui une réelle opportunité d’amélioration des processus relatifs aux opérations spécifiques (non standardisées), dont les délais d’instruction rendent, par exemple, ces opérations dans l’industrie incompatibles avec la prise de décision sur les investissements ; et donc les réductions de consommation d’énergie qui y sont associées.

Lexique (*) 

  • CLBC = Carburants Liquides Bas Carbone : dénomination générique recouvrant les différentes générations de carburants liquides bas carbone (par opposition aux carburants liquides d’origine 100% fossile), existants ou à venir tels que : les biocarburants durables, depuis les biocarburants de première génération (1G), les biocarburants « avancés » et aussi les futurs carburants de synthèse
  • Biocarburants de première génération ou biocarburants 1G : produits industriellement depuis plus de 20 ans, ils sont obtenus à partir de matières premières agricoles telles que betteraves sucrières, blé, maïs, colza, en concurrence avec l’alimentation humaine et animale. Principaux produits utilisés à ce jour : Ethanol, l’ETBE, les Esters Méthyliques d’Acides Gras et les huiles végétales hydrotraitées (ou HVO = Hydrotreated Vegetable Oil). L’incorporation de biocarburants conventionnels est aujourd’hui plafonnée à 7% de l’énergie contenue dans chaque type de carburants.
  • Biocarburants « avancés » : actuellement en cours de développement industriel, ils sont obtenus à partir de matières premières qui ne peuvent pas être utilisées pour des usages alimentaires : huiles de cuisson usagées, graisses animales hydrotraitées ou « co-processées » pour la production de biogazole ; marc et lie de vin, produits lignocellulosiques (résidus forestiers ou agricoles, cultures à fins énergétiques) pour la production de bioéthanol incorporé dans les essences.
  • Carburants de synthèse ou e-Fuels : au stade d’études ou de démonstrateurs, ils obtenus à partir d’hydrogène renouvelable ou hydrogène bas carbone et de CO2, via le procédé de synthèse Fisher-Tropsch.
  • RED3 = Renewable Energy Directive 3 : 3e volet d’une directive européenne apparue en 2009 et fixant des objectifs d’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports à l’horizon 2030.
  • TIRUERT = Taxe Incitative Relative à l’Utilisation d’Energie Renouvelable dans le Transport : mécanisme incitatif fixant des objectifs d’incorporation d’énergie renouvelable dans les carburants mis à la consommation. Le taux de la taxe due est minoré en fonction de l’atteinte partielle ou totale des objectifs.

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