La transition énergétique : du pétrole aux énergies bas carbone
L’énergie est au cœur de trois urgences : sociale, climatique et économique. C’est de l’ensemble des énergies (fossiles, nucléaire et renouvelables) dont nous aurons besoin pour répondre à la demande énergétique mondiale, qui ne cesse de croître du fait principalement des pays émergents. Moins et mieux utiliser ces ressources est une nécessité absolue pour satisfaire durablement cette demande tout en maîtrisant les impacts sur l’environnement, et en particulier les émissions de gaz à effet de serre comme le CO2.
L’enjeu de la décarbonation
L’urgence climatique vient de l’accélération des températures moyennes sur la planète due aux émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Le principal de ces gaz est le dioxyde de carbone (CO2), émis lors de l’utilisation de la plupart des produits pétroliers, notamment les carburants et les combustibles.
Une manière de faire baisser ces émissions est d’utiliser des produits énergétiques liquides fabriqués à partir de biomasse, puisqu’on considère alors que le carbone émis à l’usage du produit a été récemment absorbé dans l’atmosphère par la plante dont la biomasse est issue, ce qui neutralise ses émissions.
On peut en outre soit stocker le CO2 émis, notamment dans des usages industriels, par exemple dans d’anciens champs pétroliers ou gaziers, soit compenser les émissions de CO2 restantes par des puits naturels de carbone.
Des économies d’énergie indispensables
Une des priorités doit être d’économiser l’énergie et donc d’en consommer moins et mieux. Depuis quelques années, les distributeurs d’énergie sont engagés dans une démarche visant à faire faire des économies d’énergie à leurs clients (dispositif législatif des Certificats d’Economie d’Energie).
Créé par la loi du 13 juillet 2005, le dispositif des Certificats d’Economies d’Energie (CEE) incite les fournisseurs d’énergie dont les ventes dépassent un seuil fixé par décret (les « obligés ») à promouvoir l’efficacité énergétique auprès de leurs clients. Pour ce faire il est imposé aux « obligés » une obligation triennale de réalisation d’économies d’énergie, calculée en fonction du prix TTC des énergies et des volumes de vente en kWh. Cette obligation est chiffrée en kWh cumac* d’énergie finale.
Pour remplir leurs obligations, les obligés ont le choix des actions qu’ils souhaitent mettre en oeuvre, dans tous les secteurs d’activité (résidentiel, tertiaire, industriel, agricole, transport, notamment) et auprès des différents types de clients (ménages, entreprises, collectivités publiques, notamment).
Le dispositif est ouvert à d’autres acteurs, collectivités, Agence nationale de l'habitat (ANAH) et bailleurs sociaux, appelés les « éligibles », qui peuvent aussi mener et faire certifier des actions d’économies d’énergie, créant ainsi les conditions d’un marché d’échange de CEE.
Une transition progressive
Dans l’histoire, il a toujours fallu au moins cinquante ans pour qu’une énergie prenne les pas sur les énergies en place. L’évolution énergétique du XXIè siècle vers un modèle moins carboné prendra elle aussi plusieurs décennies. Le remplacement des sources d’énergie existantes par de nouvelles nécessite la transformation profonde du système énergétique avec des adaptations majeures au niveau de l’appareil de production, des réseaux de distribution comme des usages. Cette transition est enclenchée et s’accélère, mais elle se fera par étapes successives, et elle sera coûteuse.
Moins et mieux utiliser les ressources est la priorité absolue de cette transition.
Selon le rapport annuel « World Energy Outlook 2022 » publié par l’AIE (Agence Internationale de l’Energie), la part des énergies fossiles (Charbon, Pétrole et Gaz) dans la demande d’énergie finale mondiale devrait passer de 66 % en 2021 à 37 % en 2050.
S’agissant du pétrole seul, celui-ci devrait passer de 38 % à 23 % de ce mix énergétique mondial.
Concrètement, cela signifie qu’il faut privilégier les usages pour lesquels les produits pétroliers sont difficilement substituables (transports et pétrochimie essentiellement).
Ainsi, il convient de ne pas opposer les différentes sources d’énergie les unes aux autres, chaque énergie ayant un rôle à jouer dans cette transition.
Décarbonation des transports : les carburants liquides bas carbone ont un rôle à jouer
Les carburants liquides bas carbones sont des carburants qui cumulent les qualités des carburants fossiles actuels (densité énergétique, facilité de stockage et de distribution dans les installations existantes) tout en ayant une empreinte carbone beaucoup plus faible. Ils peuvent en général être utilisés dans les véhicules actuellement en circulation, sans modification. Ces nouveaux carburants contribueront à la réalisation des objectifs long terme de baisse des émissions de CO2 des secteurs du transport notamment routier, aérien et maritime et sont une solution décarbonée complémentaire à l’électrification d’une partie des transports, abordable et fiable.
Il y a trois axes de travail pour ces carburants liquides bas carbone :
- Les biocarburants durables déjà utilisés (dits de 1ère génération)
- Les biocarburants avancés (avec deux grandes voies, la voie thermochimique et la voie biochimique, mais aussi les microalgues)
- Les E-fuels : carburants liquides produits à partir d’hydrogène vert et bas carbone (issus d’électricité décarbonée) et de CO2.
- A noter, qu’avec une disponibilité croissante, ces carburants sont incorporés dès aujourd’hui et de manière croissante aux carburants existants pour accélérer la décarbonation des transports notamment dans les usages plus difficilement substituables.
Les carburants liquides bas carbone vont contribuer de façon efficace et économique à la trajectoire de décarbonation des secteurs du transport routier puis aérien et maritime. Leur déploiement, initié avec les biocarburants déjà largement utilisés en France, s’appuie sur des infrastructures et des véhicules existants, et peut bénéficier des cadres réglementaires incitatifs en place que ce soit pour l’investissement ou la consommation (TGAP, TICPE, etc…).
Ainsi, ils ont l’immense avantage de bénéficier :
- Pour la partie production, de raffineries et de processus déjà adaptés ou adaptables et dans tous les cas, localisables en France et en Europe.
- Pour la partie distribution, d’une logistique et de réseaux de distribution existants, performants et fiables.
- Pour la partie utilisation, de toutes les qualités des carburants liquides dès lors qu’il s’agit de mobilité. (Autonomie, stockage, utilisation par un parc existant ...). Ainsi ils peuvent par exemple concerner les poids lourds.
Bon nombre de technologies pour ces nouveaux carburants existent déjà dans les laboratoires ou même sous forme de pilotes industriels. L’enjeu réside dans le développement à l’échelle 1 de ces technologies et leur généralisation. L’industrie pétrolière travaille sur un scenario d’ici à 2050 avec des étapes intermédiaires à 2035. Ainsi, en 2035, 100 millions de tonnes de CO2 par an pourraient être évitées pour le seul secteur du transport routier de l’UE soit 20 % de ses émissions. En 2050, pour ce même secteur, la neutralité carbone pourrait être atteinte ainsi qu’une réduction de 50 % de l’intensité carbone du transport maritime et aérien. Les conditions de réalisation de ces scenarios reposent sur plusieurs piliers :
- Une coopération technique fluide entre les acteurs privés, les start-ups, les acteurs académiques et le secteur public.
- La création d’un cadre réglementaire et fiscal permettant à ces nouvelles filières d’émerger de manière économique.
- Les investissements : ils se chiffrent en centaines de milliards d’euros pour l’Europe et doivent s’accompagner d’incitations, de visibilité et de stabilité réglementaire à moyen et long terme.
- Des effets d’échelle permettant de faire baisser les coûts unitaires : par exemple, la mise en œuvre des carburants liquides bas carbone dans le secteur routier engendrerait un effet d’échelle permettant la généralisation au secteur de l’aviation.